Lorsqu’ils font les lois, les responsables politiques malgaches bafouent régulièrement la Constitution en ne respectant pas le droit des citoyens à l’information [1]. Il est inacceptable que ni les projets de loi pendant les semaines qui précèdent leur discussion à l’Assemblée Nationale, ni même les lois après leur adoption par les députés ne soient accessibles aux citoyens. Cette pratique interdit à la population de participer aux débats, d’exprimer ses opinions et d’être informée alors que le citoyen est censé connaître et appliquer les lois ainsi votées. Cette absence totale de transparence concerne notamment les lois relatives aux terres et à l’aménagement du territoire.
La pétition lancée le 4 octobre 2015 par la Solidarité des Intervenants sur le Foncier - SIF - et le Collectif TANY pointe du doigt des projets de lois approuvés par les différents Conseils des ministres mais qui risquent de rendre légales des mesures visant à généraliser les expulsions et expropriations des citoyens et notamment des paysans de leurs terres.
Qu’en est-il de la loi n°2015-039 sur le Partenariat Public Privé. Celle-ci a été votée au cours de la dernière session parlementaire et vient d’être approuvée par la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) le 29 janvier 2016. Jusqu’à présent, rien n’a été divulgué sur son contenu final [2].
Or, l’article 37 d’une version précédente du projet de loi autorisait l’Etat à engager « une procédure d’expropriation et de déclaration d’utilité publique, en cas de travaux à effectuer sur un terrain relevant de la propriété privée et de refus du propriétaire d’accorder un droit sur le terrain nécessaire à l’exécution du contrat PPP » [3]. Devant tant d’opacité, peut-on espérer un amendement favorable aux citoyens et paysans malgaches ou faut-il craindre le pire ?
Une seconde loi en relation avec le Foncier a été votée par l’Assemblée Nationale le 16 décembre 2015 : la Loi d’Orientation de l’Aménagement du Territoire (LOAT). Le Collectif TANY a pu se procurer le projet de loi n° 011/2015 portant Orientation de l’Aménagement du Territoire : la Loi d’Orientation de l’Aménagement du Territoire « fixe le cadre juridique général de l’aménagement du territoire national dans une perspective de développement durable.[…] L’aménagement du territoire […] intervient notamment dans la gestion foncière, l’urbanisme, l’assainissement, le logement et l’habitat, l’aménagement rural, la gestion des exploitations minières et industrielles, la préservation de l’environnement, et les infrastructures et équipements d’intérêt collectif. Il traite également « des terrains de grande superficie et des réserves foncières » [4]. Cette loi d’importance capitale n’a pourtant pas donné lieu à un débat public au cours des derniers mois.
Dès 2012, le Collectif TANY avait émis des propositions en faveur d’une implication de tous les citoyens dans l’élaboration et les décisions sur l’aménagement du territoire de chaque commune [5].
Le texte de loi voté puis approuvé par la HCC [6] n’est pas disponible pour le grand public. Récemment, le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo cité par un journaliste s’est lui montré enthousiaste. « A part la corruption, un des freins évoqués par ces investisseurs en 2015 est la Loi foncière. Actuellement, comme vous le savez depuis le mois de décembre dernier, ces lois ont été mises à jour si bien qu’elles pourraient attirer davantage d’investisseurs qui pourront placer des fonds en toute sérénité. » [7].
Le Collectif TANY craint au contraire que cette loi produite dans le plus grand secret ne lèse les intérêts des citoyens et notamment des paysans.
[*Pour une gouvernance démocratique et inclusive à Madagascar, surtout dans le domaine du Foncier*]
L’absence de transparence sur les projets de loi et les lois votées est en contradiction totale avec le principe d’inclusivité affirmé dans la politique nationale de développement.
Les autorités malgaches cherchent-elles à éviter les débats citoyens sur des choix lourds de conséquences pour l’avenir de la majorité des habitants et du pays ? Faut-il en conclure qu’il existe des sujets ou des orientations contraires à l’intérêt de la population ?
Appuyant les suggestions de l’organisation de la société civile KMF-CNOE Education des citoyens dans le même sens [8], le Collectif TANY s’adresse à tous, décideurs et citoyens malgaches, pour engager une vaste réflexion et faire des propositions en faveur d’une véritable gouvernance démocratique et inclusive ainsi que sur le rôle respectif des différents acteurs de la vie publique à Madagascar :
- Dans une démocratie digne de ce nom, les projets de loi devraient être diffusés par les responsables du gouvernement à tous les citoyens plusieurs semaines voire plusieurs mois avant leur dépôt à l’Assemblée nationale pour permettre des échanges, débats et réflexions de la part de tous les citoyens.
- Les députés devraient discuter des projets de loi avec les citoyens de leur circonscription, recueillir les différents avis. La sagesse malgache nous enseigne que les idées de plusieurs personnes permettent d’aller plus loin. (Ny hevitry ny maro mahataka-davitra)
- L’ensemble des citoyens mérite de connaître le détail de chaque loi discutée et votée pour pouvoir réfléchir et échanger, exprimer leurs points de vue auprès des élus - voire auprès du gouvernement - puisque chaque citoyen devra ensuite l’appliquer dans sa vie.
- La non diffusion des projets de loi au grand public, puis le maintien au secret des lois votées par l’Assemblée Nationale jusqu’à leur approbation par la Haute Cour Constitutionnelle, dernière étape avant leur promulgation définitive par le Président de la République relève d’un procédé très éloigné de la démocratie. La généralisation de l’affichage des projets de loi et des lois sur internet constitue une solution adéquate déjà utilisée dans certains cas.
- Face au désastre économique, les législateurs et les tenants du pouvoir doivent faire preuve d’une transparence exemplaire et privilégier la concertation avec l’ensemble des citoyens sur les objectifs et méthodes de conduite de la vie nationale. Cette exigence est d’autant plus vraie sur les questions foncières et les terres, si précieuses pour les paysans malgaches, pour la Nation et pour les générations futures.
Paris, le 5 février 2016
Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY
http://terresmalgaches.info
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