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puce Compte-rendu du Colloque « L'enjeu des politiques foncières pour la protection de l'eau et l'installation en agriculture »
Terre de Liens Nord-Pas de Calais, Lille, 6-7octobre 2016
Coline Sauzion

Les 6 et 7 octobre derniers, AGTER a participé au colloque organisé à Lille par Terre de Liens Nord-Pas de Calais sur le thème : « L’enjeu des politiques foncières pour la protection de l’eau et l’installation en agriculture ».


La matinée du jeudi a permis de revenir sur l’évolution du monde agricole et des formes d’accès au foncier en France. Des éléments caractéristiques du contexte agricole en Nord-Pas de Calais ont été pointés, parmi lesquels l’importance du recours au fermage dans la région, qui reste la forme d’accès au foncier majoritaire, ainsi que le recours systématique aux pas-de-porte au moment de la cessation des baux. Aussi, comme partout en France, la concentration foncière ne cesse d’augmenter dans le Nord-Pas de Calais et on observe une baisse drastique du nombre d’unités de travail : au cours de la dernière décennie, 25% des fermes de la région a disparu. Comme sur le reste du territoire français, on a donc des exploitations de moins en moins nombreuses et de plus en plus grandes et capitalisées. Parallèlement, le nombre d’agriculteurs ne cesse bien sûr de diminuer.

La présentation des résultats d’une étude sur le pas-de-porte en agriculture a mis en exergue les conséquences de cette pratique sur l’accès au foncier et les modèles de production dans une région de fermage majoritaire. Le pas de porte, pratique très répandue dans le nord de la France, apparaît comme un frein à l’installation, notamment pour les installations Hors Cadre Familial (HCF). Outre le fait que les prétendants à l’installation hors-cadre familial disposent en général d’un accès à l’information limité sur les opportunités foncières et d’une difficulté à financer leurs projets d’installations, ils ont également à payer des pas-de-porte aux montants plus importants que les repreneurs issus du milieu agricole, ce qui constitue un frein supplémentaire à leur installation. Il a été précisé cependant que nombreuses sont les causes, économiques et sociales, qui peuvent expliquer cette pratique. Entre autres, le fait que la retraite agricole soit très faible explique que l’agriculteur cherche à maximiser le gain qu’il peut retirer de la marchandisation illégale de son bail au moment de la cessation de son activité.
Ensuite, une intervenante est revenue sur les principales difficultés rencontrées par les exploitations de taille moyenne et leur lien avec la question foncière. Parmi les nombreuses causes de difficulté des agriculteurs telles que les accidents de la vie, les facteurs naturels, la conjoncture économique, les questions juridiques, il apparaît que les difficultés liées au financement et à l’investissement sont majoritaires. En général, on observe une hausse de l’endettement moyen des agriculteurs. Les agriculteurs s’endettent souvent en cherchant à agrandir leur surface, notamment sous l’effet de la PAC et des subventions à l’hectare qui poussent à l’agrandissement. Aussi, la volonté de se moderniser des jeunes agriculteurs pour gagner en qualité de vie en délégant des tâches aux « robots » augmente aussi le risque d’endettement. L’endettement des agriculteurs à un effet sur le prix de la terre dans la mesure où l’agriculteur qui cherche à céder son exploitation est généralement très endetté et cherche donc à vendre au plus offrant, ce qui fait augmenter le prix pour le repreneur. On a donc à faire ici à un véritable cercle vicieux.

Un retour sur les instruments de régulation foncière en France et en Europe a permis de souligner le décalage existant entre la réalité agricole européenne et les outils de régulation dont on dispose, qui sont insuffisants pour protéger des exploitations familiales marginalisées par l’arrivée d’immenses exploitations, gérées par des décideurs de plus en plus éloignés des lieux de production. En effet, aujourd’hui on observe la constitution d’unités de production qui se constituent en rassemblant plusieurs exploitations à statut sociétaire. Il peut exister, par exemple, des cas de figure où quatre exploitations sont regroupées sous une seule unité de gestion. C’est ainsi que les seuils de surface peuvent être contournés. Des critères stricts doivent être définis pour sélectionner les personnes autorisées à accéder au marché foncier. L’Europe doit relever le défi de définir une véritable politique foncière à même de garantir la sécurité et la souveraineté alimentaire de l’Europe. Si tout reste à faire, il faut noter qu’à l’échelle européenne une prise de conscience sur la nécessité de mettre en place une politique foncière commune émerge ces dernières années, notamment grâce aux mobilisations de la société civile, autour d’enjeux tels que l’accaparement des terres par exemple.

Dans l’ensemble, le contenu de la première journée a permis de mettre en lumière les processus de recomposition des unités de production en cours aujourd’hui en France et en Europe et de souligner parallèlement la faiblesse des outils de régulation existants pour contrôler cette situation de concentration foncière, de financiarisation et d’industrialisation de l’agriculture. Le travail de Terre de Liens fait partie des solutions pour remédier à la disparition croissante des petites unités de production agricole. De même, les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer dans la mise en place de véritables politiques agricole et foncière à l’échelle des territoires. A ce propos, les témoignages d’élus et de représentants de communes et d’intercommunalités (Amiens Métropole, Communauté d’Agglomération du Douaisis) furent d’un précieux apport pour permettre aux participants de comprendre comment, concrètement, ces acteurs institutionnels peuvent agir sur leurs territoires pour mettre en place des politiques agricoles et foncière au service d’une agriculture pourvoyeuse d’emplois, d’une alimentation de qualité, et respectueuse de l’environnement. La volonté politique apparaît alors comme un facteur clef pour impulser le changement. Lorsque la volonté politique est présente, les élus disposent de plusieurs leviers d’actions pour mettre en œuvre des politiques de facilitation des installations sur leurs territoires. Un des premier défis à relever pour réussir à lancer une politique agricole et foncière sur un territoire est la création d’espaces de dialogue inclusifs et pérennes. Les différents élus présents ont souligné l’importance de mettre en place une concertation territoriale ouverte, qui permette de faire discuter entre eux des acteurs très divers. L’enjeu est d’abord de réunir le maximum de personnes « autour de la table » et de les faire discuter ensemble. Il s’agit d’intéresser l’ensemble des acteurs du monde agricole et d’arriver à dépasser les étiquettes qui le divisent : CUMA, SAFER, Chambre d’agriculture, ARDEAR, Terre de Liens doivent partager les mêmes espaces de dialogues. Il est également essentiel d’intégrer les habitants dans les discussions, notamment au travers les travailleurs des structures scolaires, périscolaires et sociales (approvisionnement des restaurations collectives, mise en place d’activités de sensibilisation dans les centres sociaux/centres d’animation/écoles, etc...), car l’enjeu agricole et foncier ne concerne pas seulement les agriculteurs, mais bien l’ensemble de la société.



 
 
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