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puce Ce qu'il importe de savoir sur le projet d'exploitation de terres rares d'Ampasindava à Madagascar
Communiqué du Collectif TANY- septembre 2017
Collectif TANY

Le projet d’exploitation des terres rares par la société Tantalum Rare Earth Madagascar (TREM) à Ampasindava fait l’objet d’une contestation grandissante par plusieurs parties prenantes aux niveaux local, national et international [1] en raison des impacts désastreux qu’il risque d’avoir sur des milliers d’hectares d’espaces naturels, notamment la pollution extrêmement toxique qui menace les moyens d’existence des populations affectées et riveraines ainsi que la biodiversité terrestre et marine exceptionnelle de la région.

Un article paru récemment dans Mongabay ainsi que diverses sources dévoilent d’autres aspects concernant le projet susmentionné, que les autorités et responsables malagasy doivent prendre en compte dans les prises de décision sur les activités de la société TREM.

L’histoire cachée de TREM en 2016

La concession de 300 km2 portant le projet minier de terres rares à Ampasindava est détenue par la société TREM - Tantalum Rare Earth Malagasy SARL - qui appartient à 100% à Tantalum Holding (Mauritius) Ltd, filiale de la société allemande Tantalus (TRE AG). Les dernières informations diffusées à Madagascar fin 2015 concernaient la vente de 60% des actions de la société mauricienne, à Apphia Minerals SOF PTE [2] et [3], une société enregistrée à Singapour. Cette société privée, a changé son nom en REO Magnetic Pte Ltd, et a vendu la majeure partie des actions à ISR Capital, une autre société basée à Singapour. TRE AG gère toujours TREM pour le moment, étant donné que ni la vente à REO, ni la revente à ISR n’ont été finalisées. TRE AG avait passé la gestion de TREM à REO en Septembre 2016, mais a dû en reprendre le contrôle en raison de ce que Mr. Kivimäki, le Directeur Exécutif de TRE AG, a appelé "certains défis rencontrés par l’acheteur" [4].

Pendant le processus d’acquisition de TREM, le cours des actions d’ISR est monté en flèche - de plus de 700% - (4) pour s’effondrer quelques mois plus tard. ISR fait actuellement l’objet d’une enquête au sujet d’une infraction à la loi relative aux valeurs mobilières et aux contrats à terme en vigueur à Singapour, laquelle s’applique aux actes criminels tels que le truquage des marchés et les manipulations boursières.(4)

Une importante délégation malgache était venue à Singapour en compagnie du Président de la République en mai 2016 pour chercher des investisseurs et assister au « Forum Economique sur Madagascar » [5]. Toutes les personnes interrogées par le journaliste de Mongabay ont déclaré ne pas être en connaissance des informations « troubles » concernant le nouvel acquéreur des actions de TREM. Les membres de cette délégation se sont-ils préoccupés de mieux connaître la nouvelle société qui investissait à Madagascar ?

Les terres rares d’Ampasindava ont déjà rapporté des bénéfices aux sociétés minières qui spéculent sur les marchés boursiers

Il est écrit dans les documents disponibles sur internet que la vente des actions de TREM à ISR a rapporté 34,5 millions de dollars US à REO Magnetic (4). Avant l’acquisition par TREM en 2009, la concession avait été obtenue puis vendue par d’autres sociétés qui en ont tiré sûrement des bénéfices non publiés. Combien ces cessions de concession et ventes d’actions ont-t-elles rapporté à l’Etat malgache, alors que les terres rares ont déjà apporté des bénéfices à diverses entreprises ? Des taxations au bénéfice de l’Etat malgache sur les cessions de concessions minières devraient absolument être mises en place, en plus de mesures spécifiques, telles que le droit de préemption [6], pour permettre à l’Etat malgache d’avoir son mot à dire sur les cessions.

Lorsqu’on sait par ailleurs que ces ventes d’action par Tantalus sont liées à des dettes et à une procédure d’insolvabilité auprès de la cour de Munich en novembre 2015 [7], les citoyens sont en droit de demander incessamment l’introduction dans les lois à Madagascar de critères relatifs à la solvabilité et à la compétence des postulants aux investissements.

Notons que les responsables des divers gouvernements de Madagascar n’ont pas eu d’objection au fait que TREM soit enregistrée en tant que société offshore à l’île Maurice, considérée par les institutions de l’Union Européenne comme un paradis fiscal [8], dans le but évident d’éviter de payer des taxes à Madagascar et de ne payer que 3% de taxes sur ses profits grâce à l’accord fiscal bilatéral (double taxation agreement ou traité de non double imposition) entre les deux pays. Ceci montre clairement que TREM a l’intention de gagner le maximum à partir des gisements de terres rares en payant le minimum de ce qu’elle doit à la nation Malagasy pour ses opérations minières.

Par ailleurs, l’estimation de la valeur des minerais contenue dans le sous-sol d’Ampasindava a fait l’objet de questionnement et de remise en cause de la part des autorités de Singapour à deux reprises. Le résultat de la troisième estimation demandée en octobre 2016 (4) n’a toujours pas été communiqué au public. Le lien entre le milliard de dollars US et quelque, déclaré par ISR aux autorités de Singapour, et la quantité de ressources minières 560 000 tonnes déclarée en 2014 et en 2016 dans le document de SGS reste à établir.

Les autorités et techniciens malgaches ont-ils les moyens d’évaluer et de vérifier la quantité de minerais et leurs valeurs ainsi déclarées, maintenant et dans l’avenir ?

Le peuple malagasy ne gagnera-t-il que les dégâts environnementaux ?

Selon l’article paru dans Mongabay, un haut responsable de TRE AG interrogé a répondu que la méthode d’exploitation n’est pas encore connue. Pourtant il est écrit dans le rapport du SGS de 2014 [9] - et aucune modification sur ce sujet n’apparaît dans la version finale de juin 2016 de ce rapport (4) -, que la méthode la plus probable sera la lixiviation in situ, méthode qualifiée de « la moins nocive en Chine », et la plus appropriée compte tenu de la similitude des éléments géologiques des minerais d’Ampasindava et ceux de Chine. Cette « marche arrière » correspond-elle réellement à la réalité ou est-ce une manœuvre pour échapper aux critiques des organisations de la société civile et des communautés locales qui ont propagé depuis le début de l’année 2016 les videos parues dans les media internationaux qui montrent que l’exploitation des terres rares dans les autres pays détruit gravement l’environnement [10], même quand la méthode utilisée est la « lixiviation-in-situ » [11] ?

L’article paru dans Mongabay a permis de connaître des publications de J. Klinger, une universitaire qui mène des recherches sur l’exploitation des terres rares. Elle a visité plusieurs sites d’extraction dans le monde et déclare avoir croisé entre autres de nombreux habitants « à la peau cloquée et aux dents décolorées, résultat de l’exposition chronique sévère à l’arsenic et affirme que les dizaines d’années d’extraction minière ont pollué le sol et l’eau et empoisonné lentement les riverains et leur bétail » [12].

Une affirmation a particulièrement interpellé les organisations de la société civile : dans les dossiers remis par ISR aux régulateurs de la Bourse de Singapour, cette société a expliqué qu’elle « s’attend à recevoir tous les permis nécessaires très bientôt » (4). En effet, dans un échange de mails avec le Collectif TANY en Novembre 2015, l’Office National pour l’Environnement (ONE) a fait savoir que l’ONE avait réclamé une étude d’impact environnemental pour une phase pilote d’exploitation demandée par TREM. L’article de Mongabay confirmant que cette étude n’est toujours pas disponible, l’on se demande de quels atouts la société TREM dispose pour pouvoir faire preuve d’une telle certitude, alors qu’elle dit ne pas connaître la méthode qui sera utilisée.

Par rapport au renouvellement éventuel du permis de recherche, l’existence de trous de forage creusés depuis 2011 et 2012 toujours pas rebouchés en 2017, dont les photos ont été montrées aux responsables du Ministère des Mines et de l’Environnement par la délégation de l’Alliance pour la protection et le développement durable de la péninsule d’Ampasindava et de sa région en Juin 2017 [13] et qui ont été constatés de visu par le journaliste de Mongabay sur place (4) dénotent de manière incontestable le non-respect du cahier de charges lié au permis de recherche précédent. Cela devrait justifier la non-délivrance d’un nouveau permis de recherche.

Concernant les permis miniers, la vigilance permanente du CRAAD-OI, de l’Association MA.ZO.TO. et du Collectif TANY leur rappelle que les promoteurs du projet d’exploitation des terres rares d’Ampasindava se trouvent sur une liste de multinationales ayant reçu un permis d’exploitation contestable de la part du régime de Transition, déposée par le CETIM en 2013 auprès du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme [14]. D’après ce document, ce permis est tout à fait illégal et illégitime, comme nous l’avions déjà écrit à de nombreuses reprises.

Conclusion

Par conséquent, deux options s’offrent aux décideurs et au Gouvernement de Madagascar :

- la première option serait de mettre fin à ce projet douteux et dangereux dès maintenant, simplement en refusant de délivrer à TREM d’autres permis de recherche et environnemental ;

- la deuxième option consisterait à donner raison aux détracteurs qui dénoncent la corruption et la collusion des décideurs malagasy avec les sociétés multinationales qui ne cherchent qu’à piller le patrimoine naturel du pays, en accordant les permis qu’elle demande à cette société dont on connaît maintenant tous les dessous.

28 août 2017,

- Pour Le Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement - Océan Indien (CRAAD-OI)

Randriamaro Zo, Coordinatrice

craad.madagascar@gmail.com ; http://craadoi-mada.com

- Pour l’Association MAZOTO – Miaro Aina-Zon’Olombelona sy Tontolo Iainana, Association de Défense de la Vie, des Droits Humains et de l’Environnement

Théo Rakotovao, Président

- Pour le Collectif pour la défense des terres malgaches - TANY

Rakotondrainibe Mamy, Présidente

patrimoine.malgache@yahoo.fr ; http://terresmalgaches.info



[3Updated NI 43-101 technical report issued by SGS Canada – Resources for the Tantalus Rare Earth Ionic Clay Project – Northern Madagascar, Juin 2016.

[6Un droit de préemption est un droit légal ou contractuel accordé à des personnes privées ou publiques d’acquérir un bien par priorité à toute autre personne et ce lorsque le propriétaire manifeste sa volonté de le vendre. (Wikipedia, 28/08/2017)

 
 
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