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puce Quel avenir pour les communautés locales malgaches affectées par l'exploitation de terres rares de la société Tantalus ?
Communiqué du Collectif TANY - 9 novembre 2015
Collectif TANY

Une concession de 300 km2 a été attribuée par l’Etat malgache dans le Nord-Ouest de Madagascar à la société TANTALUS dont le siège se trouve en Allemagne, pour l’exploitation de terres rares sur la péninsule d’Ampasindava, dans les régions Diana et Sofia. La société minière est connue dans le district d’Ambanja sous le nom de sa filiale locale TANTALUM RARE EARTH MALAGASY (TREM) [1]. Les terres rares figurent parmi les minerais stratégiques utilisés pour la haute technologie dont les milieux informés craignent la pénurie à moyen terme. Leur gestion devrait donc faire l’objet d’un soin et d’une rigueur extrêmes pour que l’ensemble de la population malgache puisse en profiter de manière équitable, notamment les communautés locales.

Les villages affectés par les activités de la société TANTALUS se trouvent dans les districts d’Ambanja et d’Analalava, plus précisément dans les communes rurales d’Antsirabe, Ankingameloka, Bemanevika-Ouest, Ambaliha, Anorontsangana et Ankaramibe. Les recherches s’effectuent sur terre et dans la mer [2]. Les informations en provenance de ces villages sont plus qu’inquiétantes et soulèvent de nombreuses questions quant au respect des lois en vigueur, de l’environnement et de l’écosystème marin et surtout sur les droits et l’avenir des communautés locales.

Les réalités subies par les communautés locales pendant la phase d’exploration

La concession et le permis de recherche ont été accordés à la société TANTALUS par les dirigeants malgaches au pouvoir en 2008.

Depuis 2011, la société TREM a fait creuser manuellement des trous de 1m2 de surface et de 10 m de profondeur partout, dans les champs de culture qui font vivre les communautés locales. Certains paysans n’ont même pas été consultés avant le creusement de trous dans leurs champs, d’autres ont été payés par la société pour faire ce travail. L’absence de remise en état des terrains pendant des années a provoqué la chute des animaux dans ces trous, particulièrement pendant la saison des pluies. Par ailleurs, très répandus - entre 250 et 720 par fokontany – ces trous ont empêché pour de nombreux paysans l’utilisation adéquate de leurs terres. Un des groupements paysans, membre de l’Association pour le Développement de l’Agriculture et du Paysannat dans le Sambirano, ADAPS, et du Réseau SOA, Réseau des Syndicats des Organisations Agricoles, a alors écrit aux autorités locales en septembre 2014, demandant leur assistance pour la sécurisation de leurs droits sur les terres face aux dégâts subis par leurs cultures. En l’absence de réaction de la part des autorités, des membres d’organisations de la société civile se sont rendus sur les lieux afin de constater les faits, collecter les témoignages et échanger avec les communautés locales.

Les activités de la société minières respectent-elles l’ensemble de la législation malgache ?

L’équipe de la société civile a constaté que tous les trous avaient été bouchés, dont la plupart très récemment, mais que les plantations n’ont pas été remises en place. Dans plusieurs cas, la distance entre les trous et les habitations et lieux sacrés n’ont pas respecté l’article 105 du Code minier qui requiert 80 m entre les travaux liés à la recherche et les « habitations, puits et sources, lieux de sépulture et lieux considérés comme sacrés ou tabous » [3]
.

Les documents promotionnels de la société TANTALUS sur ses activités minières à Madagascar mettent en valeur l’existence de plusieurs substances : figurent-elles toutes dans les permis de recherche accordés à la société car celui délivré en 2009 ne mentionne que le polychlore ? [4]. L’évaluation des impacts environnementaux qui vont être présentés par la société devra faire appel à des experts indépendants mais pas réalisée uniquement par l’Office National de l’Environnement dont les moyens techniques sont limités car les dégâts connus de l’exploitation des terres rares sont graves et innombrables.

Le permis d’exploitation délivré par le régime de transition en 2012 s’avère tellement contestable [5] que les articles sur la société TANTALUS dans les media internationaux parlent de l’attente d’une autorisation d’exploiter.

L’équipe venue sur les lieux en Octobre 2015 a appris que les communautés locales directement affectées par les opérations d’exploration de terres rares n’ont été informées par la société minière et les autorités ni de la nature et de l’utilisation des terres rares ni de l’impact de leur exploitation sur l’environnement et la santé humaine. Pourtant la Constitution et la loi sur la Charte de l’Environnement malagasy [6] affirment le droit de tous les citoyens à l’information.

Des citoyens enregistrés dans les livres de chaque fokontany, qui paient leurs impôts régulièrement et que l’on rencontre en grand nombre aux marchés d’Antsirabe et de Befitina, vivent sur les zones concernées par les recherches et explorations minières. Les terres ne sont donc pas « vacantes et sans maître ».

La société TREM prévoit la construction d’une usine de tri et de traitement des terres rares à Betaimboay. Il est grand temps que les divers responsables attachent une importance primordiale à l’information des communautés impactées.

Les enjeux pour les communautés locales sont cruciaux

En réponse aux préoccupations des communautés locales, des échanges relatifs à leurs droits sur les terres selon la loi en vigueur ont été menés par l’équipe de la société civile. Des informations sur la nature des terres rares et sur leur valeur stratégique liée à leur caractère indispensable à la haute technologie ont été délivrées, mais également les faits déjà connus sur les conséquences très graves que peuvent avoir l’utilisation de divers produits chimiques et la production de déchets toxiques dans le cadre des activités d’extraction et de traitement des oxydes de terres rares.

En l’occurrence, les Etats-Unis et l’Australie ont arrêté l’extraction de ce minerai sur leur sol pendant des années. Quand l’Australie a réussi à implanter une usine de traitement des terres rares en Malaisie, la population est descendue dans la rue et a exigé du gouvernement de Malaisie l’arrêt du projet. La Chine est le principal pays producteur de terres rares mais commence aussi à ralentir l’extraction locale et à se fournir à l’extérieur, notamment en Mongolie, pour préserver les richesses du sous-sol chinois qu’elle a déjà largement exploité mais aussi pour mettre un frein aux dégâts environnementaux désastreux dont on voit des descriptions et illustration par video sur internet [7]

La forêt primaire [8] et l’aire protégée de la péninsule d’Ampasindava [9] gérée par le Missouri Botanical Garden courent un risque de destruction. L’eau destinée à la consommation humaine, à l’élevage et à l’agriculture et même les nappes phréatiques et la mer sont menacées de pollution grave, les dégâts potentiels sur la santé humaine s’avèrent importants.

Les communautés locales ont exprimé leur scepticisme quant à l’attention qu’apportera la société minière concernée à l’évitement et à la réduction des impacts environnementaux puisque lors de la réhabilitation de la route qui mène à son campement de base vie, elle n’a même pas pris le soin de mettre en place les mesures de protection habituelles contre l’érosion et toute la terre évacuée au cours des travaux tombe dans la mer.

La principale source de revenus actuelle des paysans du district d’Ambanja, le cacao, fait l’objet d’un partenariat avec une organisation française dans le cadre du commerce équitable [10] et trois coopératives mises en place dans cet objectif se trouvent parmi les communautés directement affectées par les opérations minières. En plus de la riziculture et de la production d’autres produits de rente, vanille, café et poivre, des actions d’appui au maraîchage s’étendent dans le Sambirano depuis des années. Les habitants pratiquent aussi l’élevage et la pêche en tant qu’activités secondaires. Les efforts de développement agricole ont commencé à porter leurs fruits mais risquent d’être anéantis par la pollution et par les dizaines de milliers de trous encore planifiés.

Interpelons les dirigeants et les décideurs malgaches

L’avenir des habitants et des écosystèmes de la péninsule d’Ampasindava est en danger de mort programmée. Cette alerte est destinée à tous les citoyens, surtout aux décideurs à différents niveaux qui peuvent encore arrêter l’évolution des choses. Allons-nous faire subir aux Malgaches les dégâts environnementaux et humains que les autres pays du monde ont refusés ?

Acceptons-nous de sacrifier l’environnement exceptionnel de la zone, et la culture respectable des communautés locales de cette zone du Sambirano, pour enrichir les intérêts économiques et financiers des autres ?

Les hauts responsables de l’Etat n’ignorent pas ce qui se trame puisque le Directeur du Cabinet et des conseillers spéciaux du Président de la République sont venus sur place en mai 2015 [11]. Mais se sont-ils souciés des conséquences négatives de ce projet sur la population ?

Soutenons les communautés locales qui refusent la construction de l’usine de traitement de terres rares !

Demandons aux responsables une transparence totale sur tous les aspects de ce projet minier !

Exigeons un débat public, incluant tous les citoyens malgaches et les communautés locales affectées, sur les bénéfices et risques de ce projet avant toute décision sur un accord d’exploitation !

9 novembre 2015,

Association MA.ZO.TO Miaro Aina-ZOn’olombelona-TOntolo iainana (Pour la défense de la vie, des droits humains et de l’environnement),

Centre de Recherches et d’Appui aux Alternatives de Développement - Océan Indien (CRAAD-OI),

Collectif pour la Défense des Terres Malgaches – TANY.

patrimoine.malgache@yahoo.fr

http://terresmalgaches.info

http://www.facebook.com/TANYterresmalgaches



[3art. 105 de la loi n° 99-022 du 19 Août 1999 portant Code minier modifiée par la loi n° 2005-021 du 17 Octobre 2005

[4PR n° 6698, ref 59/09/MEF/ONE/DG/PE selon GIZ et all. Analyse du secteur des industries extractives à Madagascar, 01/10/2012.

[6« La Constitution malgache de 2010 garantit pourtant le droit de tout individu à l’information (art. 11) et reconnaît le Fokonolona (la communauté locale) comme base du développement et de la cohésion socioculturelle et environnementale (art. 152) ».
Selon La Charte de l’environnement malagasy (Loi n° 90-033 du 21 décembre 1990 modifiée par les lois n° 97-012 du 06 juin 1997 et n° 2004- 015 du 19 août 2004),

Art.2. – On entend par environnement l’ensemble des milieux naturels et artificiels y compris les milieux humains et les facteurs sociaux et culturels qui intéressent le développement national.

Art.4. – La protection et le respect de l’environnement sont d’intérêt général. Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du cadre
dans lequel il vit. A cet effet, toute personne physique ou morale doit être en mesure d’être informée sur les décisions susceptibles d’exercer quelque influence sur l’environnement et ce directement ou par l’intermédiaire de groupements ou d’associations. Elle a également la faculté de participer à des décisions.

« Madagascar a adopté la Déclaration de Rio en 1992 qui énonce en son principe 10 : « La meilleure façon de traite les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. […]
Madagascar a également ratifié la Convention d’Aarhus fixant les modalités d’accès à l’information et de participation publique. »
Extraits de GIZ et all. Analyse du secteur des industries extractives à Madagascar, 01/10/2012.

[7The dystopian lake filled by the world’s tech lust : http://www.bbc.com/future/story/20150402-the-worst-place-on-earth (voir notamment la video vers la fin de l’article).

 
 
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