AGTER, une association pour contribuer à Améliorer la Gouvernance de la Terre, de l´Eau et des Ressources Naturelles

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Fiche G-3. GUATEMALA. L’appropriation des ressources forestières : le cas du Petén

[*Introduction à l’histoire agraire du Petén*]

Le Petén se trouve au cœur du territoire de la grande civilisation Maya comme le prouvent les sites archéologiques de Tikal et de Mirador se trouvant dans la région. Cependant, après la chute de l’empire Maya, la zone se transforma en un forêt dense et isolée au sein de laquelle ne resta qu’une petite population indigène dispersée.

Ce n’est qu’au début du XXème siècle que le processus d’appropriation des ressources naturelles recommencèrent au Petén, notamment avec le développement de l’extraction de produits forestiers non ligneux. C’est en effet à cette époque que s’installèrent dans la région les premiers groupes de migrants pour extraire le chicle [1].

Les flux migratoires vers le Petén, ainsi que les processus d’appropriation des ressources naturelles de la région, s’intensifièrent ensuite dans la deuxième moitié du XXème siècle, à cause notamment des politiques mises en place par l’Etat guatémaltèque. En effet, ce dernier organisa à cette époque la colonisation des forêts du Sud du Petén par des groupes métisses et indigène Q’echi. L’objectif de cette politique de l’Etat était de diminuer les tensions sociales existant dans le reste du pays à cause de la concentration de la terre par une minorité et de l’exclusion d’une grande partie de la population des processus de développement social et économique Voir fiche G1 La situation de la terre et des forêts au Guatemala. Quant à la partie Nord du Petén, elle fut déclarée à cette même époque comme une réserve forestière. Au sein de cette forêt se mirent en place différentes activités économiques : extraction de produits non ligneux, extraction de bois et exploration pétrolières (ces dernières étaient le résultat de l’octroi par l’Etat de concessions d’exploitation a des entreprises privées).

L’installation dans le Petén de nouveaux acteurs (migrants pauvres métisses ou indigènes, grands propriétaires terriens, communautés faisant de l’extraction de produits non-ligneux, entreprises capitalistes privées) fut responsable d’un bouleversement important tant au niveau du paysage de la région, qu’au niveau des relations sociales et de production entre acteurs présents localement (par exemple, entre 1960 et 2000 la population du Petén fut multipliée par 20).

En 1990, un nouveau bouleversement eut lieu au Petén avec la création par l’Etat de la Réserve de Biosphère Maya. La création de la réserve représenta la réponse de l’Etat à deux problèmes distincts : i) l’importance prise au niveau politique et dans l’opinion publique par les préoccupations conversationnistes (au niveau national et international) et ii) la nécessité de la part de l’Etat de reprendre le contrôle de la gestion des ressources naturelles de la région et ainsi de résoudre une situation très conflictuelle entre la multiplicité d’acteurs présents dans la zone. Cependant, la mise en place de la réserve ne s’accompagna d’aucun effort de reconnaissance des droits déjà exercés par les différents acteurs sur le terrain ce qui créa de fortes tensions sociales et entraina un mouvement de résistance au sein des communautés installées dans la zone contre le projet conversationniste voulu par l’Etat. D’autre part, l’arrivée de nouveaux acteurs réclamant des droits sur les ressources de la région compliqua encore plus la situation (à la fin de conflit armé, l’Etat a en effet promu l’installation de familles déplacées durant le conflit et d’anciens combattants dans la région). Au milieu des années 1990, la tension sociale était telle dans la zone que l’Etat fut forcé de changer sa politique quant à la gestion de la réserve. Il décida en particulier d’octroyer la gestion de la zone d’usages multiples a des concessions privées dans le but de combiner gestion durable des ressources forestières et développement social et économique. Initialement l’idée était que ces concessions soient octroyées à des entreprises privées. Cependant, les communautés locales s’organisèrent et, après un forte mobilisation, obtinrent que la majeure partie du territoire soit octroyé à des concessions forestière communautaires.

[*Les forêts du Petén*]

Le Petén dispose de l’aire forestière la plus grande du Guatemala. Il s’agit de forêts tropicales humides sempervirente de basse altitude se trouvant sur des sols pauvres (en terme de potentiel agricole). La Réserve de Biosphère Maya couvre plus de 2 millions d’hectares, dont 75% sont couverts de forêts.

La réserve se divise en trois zones :

Les forêts se trouvent essentiellement dans les deux premières zones mais l’extraction de ressources forestières ne se fait que dans la zone d’usage multiples.

En ce qui concerne les aspects sociaux, la zone se caractérise par une pauvreté importante (60%), un taux d’analphabétisme élevé (39%) et une grande diversité en ce qui concerne l’origine et l’histoire de ses habitants (à cause de l’histoire de colonisation agraire qui a caractérisé le Petén pendant tout le XXème siècle). Cette diversité est responsable du fait que l’on retrouve au sein de Petén des groupes se caractérisant par une organisation sociale et des formes d’appropriation des ressources très différentes.
De façon schématique on peut identifier les types de communautés suivants au sein du Petén :

[*Les pressions actuelles sur les ressources forestières du Petén*]

Malgré la mise en place de la Réserve de Biosphère Maya et les efforts de l’Etat pour planifier et surveiller l’accès aux et l’utilisation des ressources naturelles dans la zone, de nombreuses pressions s’exercent encore sur les forêts du Petén. En effet, même s’il s’agit d’une aire protégée légalement, il existe dans la pratique de nombreux acteurs qui luttent pour avoir accès aux ressources naturelles du Petén. Les pressions sur les ressources les plus importantes au sein du Petén sont :

Il existe donc au Petén une multiplicité d’acteurs qui pressent pour avoir accès aux ressources naturelles et la gestion forestière communautaire forestière dans la zone d’usage multiplies peut se trouver remise en question dans le futur en fonction des rapport de forces existant entre ces acteurs et ceux exerçant déjà des droits sur les forêts de la région.


Ce document est une des [*FICHES PÉDAGOGIQUES sur la gouvernance forestière*], élaborées dans le cadre d’un projet financé par la Fondation Ford et la Fondation pour le progrès de l’homme, en collaboration avec les partenaires du réseau Rights and Ressources Initiative (RRI), dans deux pays, le Cameroun et le Guatemala.
Ce travail de réflexion collective a vocation à faciliter la compréhension des enjeux centraux autour de la gestion des ressources communes qui sont les forêts et l’appropriation des termes du débat par les acteurs concernés. La possibilité de s’appuyer sur des exemples dérivés des réalités différentes ambitionne à faire évoluer les référentiels et favoriser des propositions et des solutions nouvelles.

Dossier :Gouvernance des forêts au Guatemala Fiche : # 3

Fiche rédigée par : Pierre Merlet (AGTER)

date de redaction : Juin 2011


[*Contenu du dossier sur la gouvernance des ressources forestières au Guatemala*]


Pour approfonfir :

Hurtado Paz y Paz, M. (2010) Petén. ¿La última frontera ? Construcción social de una región. Guatemala : FLACSO
 
Maldidier, C. (2008) « Concessions communautaire et viabilité de la gestion à long terme des forêts dans la Réserve de la Biosphère Maya (Guatemala) » in P. Mera, C. Castellanet and R. Lapeyre (eds) La gestion des ressources naturelles. L’épreuve du temps. Paris :Éditions Karthala
 
Monterroso, I. y Barry, D. (2009) Tenencia de la tierra, bosques y medios de vida en la Reserva de la Biosfera Maya de Guatemala : Sistema de concesiones forestales comunitarias. Guatemala : FLACSO

[1Produit non ligneux qui est utilisé pour l’élaboration de pâte à mâcher