AGTER, une association pour contribuer à Améliorer la Gouvernance de la Terre, de l´Eau et des Ressources Naturelles

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Hommage à Eugenio C. Peixoto, infatigable défenseur de l’agriculture familiale brésilienne

J’ai appris avec une grande tristesse la semaine dernière la disparition d’Eugenio C. Peixoto, en lisant sur Facebook un message d’Arilson Favareto.

J’avais rencontré Eugenio en 2001 lors du premier Forum Social Mondial à Porto Alegre (Brésil). Un atelier sur les réformes agraires et foncières de 4 demi-journées y avait été organisé par le Réseau Agriculture Paysanne et Mondialisation (APM) appuyé par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme et la CONTAG (Confédération Nationale des Travailleurs de l’Agriculture du Brésil). Eugenio Peixoto, alors Assesseur des Relations Internationales de la CONTAG, et moi, pour le compte des réseaux APM, avions assuré la préparation et l’animation de cet atelier. Les 60 à 70 participants, activistes et spécialistes reconnus de plusieurs continents, avaient alors déjà clairement dénoncé l’ampleur et le caractère inacceptable des inégalités foncières dans le monde et la gravité de la crise de la petite paysannerie non seulement pour les paysans et les paysannes, mais aussi pour l’humanité toute entière. Les 2 photos ci-dessous d’Eugenio Peixoto ont été prises lors de cet atelier du FSM 2001.

Eugenio Peixoto. Atelier sur les réformes agraires et foncières. FSM 2001. Porto Alegre.

J’ai ensuite gardé le contact avec Eugenio, devenu quelques années plus tard pour 4 ans le Vice-Ministre en charge de la réorganisation agraire du Ministère du Développement Agraire du Brésil (Secretário de Reordenamento Agrário - MDA). Je l’avais ensuite perdu de vue lorsqu’il était devenu consultant.

L’engagement d’Eugenio Peixoto avec les agriculteurs familiaux du Brésil a toujours été sans faille. Les échanges que plusieurs membres fondateurs d’AGTER avaient eus avec lui avant la création de l’association en 2005 ont sans nul doute contribué à la construction de notre projet associatif.

Dans son message d’hommage à Eugenio, Arilson Favareto, membre d’AGTER, évoque avec justesse et en quelques mots ses combats et sa personnalité. Avec son accord, j’en reprends ici quelques extraits.

« Samedi, en revenant de la manifestation contre Bolsonaro, j’ai appris la triste nouvelle de la mort d’Eugenio Peixoto, que beaucoup de mes amis sur ce réseau facebook ont rencontré. Alors que nous déplorions la mort de 500 000 personnes du fait de l’épidémie, nous en avons perdu une autre. Dans son cas, ce n’était pas du Covid, il est mort ′soudainement′, comme on disait autrefois. Hier, on m’a dit qu’il avait fait une embolie pulmonaire. Mais « soudainement » traduit ici surtout la sensation de surprise. Eugenio était de ces gars dont on ne pense pas qu’ils puissent disparaître.

Il était toujours de bonne humeur. Je l’ai beaucoup côtoyé à deux reprises - lorsque nous étions tous les deux conseillers des mouvements sociaux ruraux dans les années 90, dans des organisations différentes ; et récemment, en étant professeur et chercheur sur des thèmes liés aux espaces ruraux, quand Eugenio était un des principaux animateurs du Forum des Secrétaires de l’agriculture familiale du Nordeste (une des principales innovations institutionnelles de ces dernières années).

Il aimait beaucoup contredire et polémiquer, mais il le faisait toujours de façon affectueuse et engagée, sans aucune équivoque. Nous n’étions pas d’accord sur tout. Mais quand on n’était pas d’accord, il mettait la main sur mon épaule et commençait patiemment par un ′′ Regarde ...". Et quand c’était le contraire, je commençais toujours à réagir à ce qu’il disait par un ′′ Tu vois ... ′′ et la conversation était toujours utile et intéressante. Cela a toujours été comme ça avec tout le monde. Le dialogue avant tout. De A à Z. J’ai appris à respecter cette façon de faire. Et nous avons beaucoup ri tous les deux pendant les 30 années écoulées depuis notre première rencontre. (...)

Ces derniers mois, il a écrit un livre sur l’agriculture familiale et les politiques publiques dans le Nordeste, sa passion. Il était très enthousiaste et voulait le publier et il m’a invité à écrire la préface. Quand je l’ai envoyée, il m’a appelé reconnaissant en disant : ′′ Mon salaud, tu m’as fait pleurer en lisant ce truc...". J ’espère que quelqu’un a le manuscrit et publiera son livre comme un hommage, un hommage bien mérité. »